SCHOENY Alexandra - Chargée de recherche, Equipe Virologie - Directrice adjointe

SCHOENY Alexandra

Chargée de recherche, Equipe Virologie / Directrice adjointe de l'unité

ACTIVITES DE RECHERCHE

La thématique de recherche sur laquelle je travaille maintenant depuis une dizaine d’années se situe à l’interface entre virologie végétale, entomologie et agronomie. L’objectif est double : d’une part mieux comprendre (voire prédire) le développement des épidémies virales en cultures maraîchères de plein champ en cherchant notamment des facteurs explicatifs relatifs à la dynamique des populations de vecteurs ou à l’inoculum viral, et d’autre part concevoir et/ou évaluer des méthodes de lutte innovantes permettant d’en réduire la nuisibilité.

Mon projet s’intéresse notamment aux cultures de melon de plein champ. Ces cultures sont fréquemment infectées par quatre virus transmis par pucerons qui peuvent selon leurs dynamiques et intensités relatives provoquer des pertes de rendement quantitatif et qualitatif plus ou moins importantes :

Cucumber mosaic virus (CMV), Watermelon mosaic virus(WMV), Zucchini yellow mosaic virus (ZYMV), Cucurbit aphid-borne yellows virus (CABYV)
© Alexandra SCHOENY/INRAE

Vers une meilleure compréhension des épidémies virales : suivi des dynamiques de populations de vecteurs

La dissémination de la majorité des phytovirus dépend de leur transmission efficace de plante à plante par des vecteurs. Cette composante « vecteurs » reste actuellement une boîte noire dans la plupart des modèles épidémiologiques alors qu’elle est indispensable pour développer des modèles plus réalistes permettant de concevoir des stratégies de lutte pertinentes.
En particulier, la connaissance des dynamiques des populations de vecteurs est indispensable pour pouvoir espérer accéder à la compréhension des épidémies virales. Dans notre cas, un suivi quantitatif et qualitatif des populations de pucerons ailés visitant les parcelles est nécessaire pour explorer l’implication des différentes espèces de pucerons dans l’initiation et le développement des épidémies virales.
Cela suppose des échantillonnages réguliers (la plupart du temps journaliers) au moyen de pièges choisis en fonction des contraintes de l’essai (piège à aspiration ou piège jaune pour les essais ne disposant pas de prise de courant) et la détermination des espèces par observation des critères morphologiques sous loupe binoculaire.

Piège à aspiration conçu pour échantillonner les insectes ailés dans des sites disposant d’une prise électrique. (A) In situ dans une culture de melon (B) Représentation schématique du piège à aspiration adaptée de Pascal et al. 2013 montrant son principe de fonctionnement et ses différentes parties : (1) caisson d’aspiration, (2)  extracteur d’air, (3) collecteur d’insectes, (4) pot de collecte, (5) chapeau de cheminée pour protection contre la pluie.
© Alexandra SCHOENY/INRAE

Piège à aspiration conçu pour échantillonner les insectes ailés dans des sites disposant d’une prise électrique. (A) In situ dans une culture de melon (B) Représentation schématique du piège à aspiration adaptée de Pascal et al. 2013 montrant son principe de fonctionnement et ses différentes parties : (1) caisson d’aspiration, (2)  extracteur d’air, (3) collecteur d’insectes, (4) pot de collecte, (5) chapeau de cheminée pour protection contre la pluie.

 

 

 
Piège jaune utilisé pour échantillonner les insectes ailés dans des sites ne disposant pas d’une prise électrique. (A) In situ dans une culture de tomates (B) Ils sont faciles à déployer sur une vaste zone géographique (par ex le long du bassin méditerranéen dans le projet EMERAMB
© Alexandra SCHOENY/INRAE

Piège jaune utilisé pour échantillonner les insectes ailés dans des sites ne disposant pas d’une prise électrique. (A) In situ dans une culture de tomates (B) Ils sont faciles à déployer sur une vaste zone géographique (par ex le long du bassin méditerranéen dans le projet EMERAMB)

 

 

 
Identification taxonomique des pucerons (A) sous stéréomicroscope, (B) sur la base des critères morphologiques à l’aide de plusieurs clés
© Alexandra SCHOENY/INRAE

Identification taxonomique des pucerons (A) sous stéréomicroscope, (B) sur la base des critères morphologiques à l’aide de plusieurs clés

 

 

 

Depuis 2010, nous suivons systématiquement à la fois les dynamiques de populations de pucerons ailés et les épidémies virales pour tous les essais « melon » conduits à Avignon dans le cadre de différents projets. En considérant uniquement la modalité commune à ces essais (aménagement de l’environnement parcellaire de type sol nu), c’est près de 30000 pucerons de 216 taxons différents qui ont été déterminés entre 2010 et 2019 (Schoeny and Gognalons, 2020).

Exemple de suivi pluriannuel pour 3 espèces aphidiennes connues pour être vecteurs du CABYV
© Alexandra SCHOENY/INRAE

Exemple de suivi pluriannuel pour 3 espèces aphidiennes connues pour être vecteurs du CABYV

 

 

 

 

 

 

 
Etude des relations entre dynamiques de populations de pucerons ailés et épidémies virales
© Alexandra SCHOENY/INRAE

Notre base de données nous permet désormais d’envisager l’étude des relations entre dynamiques de populations de pucerons ailés et épidémies virales.
Ainsi pour le CABYV, la recherche de corrélations entre ces deux types de variables a révélé des relations significatives entre l’abondance de pucerons Aphis gossypii au cours des deux premières semaines de culture et l’AUDPC totale du CABYV et les paramètres estimés des courbes logistiques ajustées aux données virales (Schoeny et al., 2020). L’existence de ces relations semble confirmer le fait que le CABYV soit principalement transmis par Aphis gossypii. La nature prédictive des relations est aussi intéressante et suggère que toute technique permettant de réduire précocement la population d’Aphis gossypii pourrait avoir des répercutions favorables sur l’épidémie de CABYV.

 

 

Vers la conception de méthodes de lutte innovantes

En collaboration avec Nathalie Boissot (INRAE-GAFL Monftavet) je m’intéresse au couplage entre lutte génétique et pratiques culturales défavorisant les bio-agresseurs dans une perspective de durabilité.
Cet axe est centré sur le gène majeur Vat qui confère au melon une résistance à la colonisation par Aphis gossypii ainsi qu’une résistance aux virus transmis par ces pucerons (Boissot et al., 2016). Au champ, cela se traduit par une réduction significative des épidémies de CABYV, virus principalement transmis par Aphis gossypii selon le mode persistant, mais une inefficacité sur les épidémies de WMV, virus transmis par d’autres espèces de pucerons selon le mode non persistant (Schoeny et al. 2017).

Le gène majeur Vat confère au melon une résistance à la colonisation par Aphis gossypii ainsi qu’une résistance aux virus transmis par ces pucerons. Au champ, cela se traduit par une réduction significative des épidémies de CABYV, virus principalement transmis par Aphis gossypii selon le mode persistant, mais une inefficacité sur les épidémies de WMV, virus transmis par d’autres espèces de pucerons selon le mode non persistant
© Alexandra SCHOENY/INRAE

L’utilisation de Vat est donc généralement couplée à des traitements aphicides afin de limiter la transmission virale par les pucerons « visiteurs » non colonisateurs du melon. Or la réduction progressive de l'usage des produits phytosanitaires dans la protection des cultures imposée par l'évolution de la réglementation conduit à rechercher de nouvelles stratégies permettant d’accompagner la lutte génétique pour la gestion des bio-agresseurs.
L’hypothèse que nous avons testée est que l’implantation de bandes fleuries à proximité de la culture peut contribuer à réguler les populations de pucerons et/ou leur potentiel virulifère, augmentant ainsi l’efficacité et la durabilité de la résistance médiée par le gène Vat.
Des expérimentations d’envergure permettant de tester l’effet de la combinaison Vat x aménagement parcellaire (notamment sol nu et bandes fleuries) ont été conduites pendant 5 ans à Avignon.
Les bandes fleuries semées avec un mélange de cinq espèces (bleuet, gesse, marjolaine, pimprenelle et sainfoin) ont présenté un continuum de floraison susceptible de fournir des ressources alimentaires à l’entomofaune auxiliaire tout au long de la culture. Leur potentiel à héberger/favoriser les ennemis naturels des pucerons a été comparé à celui d’un sol nu. La plupart des prédateurs généralistes et spécialistes analysés ont répondu positivement aux ressources florales mises à disposition. En particulier, les flux de coccinelles et de syrphes ont été significativement augmentés près des bandes fleuries (Schoeny et al., 2019).
Nous avons également montré que les bandes fleuries pouvaient améliorer l’efficacité de Vat à limiter les épidémies de CABYV et WMV.

L’hypothèse que nous avons testée est que l’implantation de bandes fleuries à proximité de la culture peut contribuer à réguler les populations de pucerons et/ou leur potentiel virulifère, augmentant ainsi l’efficacité et la durabilité de la résistance médiée par le gène Vat.
© Alexandra SCHOENY/INRAE

Un autre axe de recherche prometteur concerne les techniques perturbant l’installation des ravageurs dans les cultures, notamment l’utilisation de plantes répulsives. Des travaux récents montrent que des plantes aromatiques telles que le romarin ou l’œillet d’Inde perturbent la fécondité et le comportement alimentaire de Myzus persicae sur piment (Dardouri et al. 2019 ; Dardouri et al., 2021).
Une évaluation de l’effet de ces plantes de service sur l’acquisition et l’inoculation de virus persistants et non persistants est actuellement en cours dans le cadre du projet MultiServ.

Plantes aromatiques répulsives pour les pucerons : (A) romarin (Rosmarinus officinalis), (B) œillet d’Inde ou tagète (Tagetes patula nana)
© Alexandra SCHOENY/INRAE

Plantes aromatiques répulsives pour les pucerons : (A) romarin (Rosmarinus officinalis), (B) œillet d’Inde ou tagète (Tagetes patula nana)

 

 

 

Quelles que soient les stratégies envisagées (chimique, culturale, biologique…), la lutte anti-vectorielle reste un défi en raison notamment d’une connaissance insuffisante de la dynamique d’arrivée des vecteurs ainsi que la proportion d’entre eux qui sont porteurs de virus (virulifères).
Dans le cadre du projet Beyond nous allons développer des outils moléculaires (qRT-PCR) nous permettant de détecter/quantifier la présence des virus dans leurs vecteurs afin de pouvoir caractériser les arrivées de vecteurs virulifères susceptibles d’initier les épidémies virales.

REFERENCES

  • Boissot, N., Schoeny, A., Vanlerberghe-Masutti, F. (2016). Vat, an amazing gene conferring resistance to aphids and viruses they carry: from molecular structure to field effects. Frontiers in Plant Science, 7:1420, 1-18. DOI: 10.3389/fpls.2016.01420 HAL INRAE-01512038
  • Dardouri, T., Gomez, L., Ameline, A., Costagliola, G., Schoeny, A., Gautier, H. (2021). Non‐host volatiles disturb the feeding behavior and reduce the fecundity of the green peach aphid, Myzus persicae. Pest Management Science, 77, 1705-1713. DOI:10.1002/ps.6190 HAL INRAE-03015172
  • Dardouri, T., Gomez, L., Schoeny, A., Costagliola, G., Gautier, H. (2019). Behavioural response of green peach aphid Myzus persicae (Sulzer) to volatiles from different rosemary (Rosmarinus officinalis L.) clones. Agricultural and Forest Entomology, 21 (3), 336-345. DOI: 10.1111/afe.12336 HAL INRAE-02267846
  • Pascal, F., Bastien, J.-M., Schoeny, A. (2013). Fabrication d’un piège à aspiration pour la capture des pucerons ailés vecteurs de virus. Cahier des Techniques de l'INRA, 79, 13 p. DOI:10.15454/QFCIRK HAL INRAE-02650564
  • Schoeny, A., Desbiez, C., Millot, P., Wipf-Scheibel, C., Nozeran, K., Gognalons, P., Lecoq, H., Boissot, N. (2017). Impact of Vat resistance in melon on viral epidemics and genetic structure of virus populations. Virus Research, 241, 105-115. DOI: 10.1016/j.virusres.2017.05.024 HAL INRAE-01535203 
  • Schoeny, A., Gognalons P. (2020). Data on winged insect dynamics in melon crops in southeastern France. Data in Brief 29, 105132. DOI:10.1016/j.dib.2020.105132  HAL INRAE-02623260
  • Schoeny, A., Lauvernay, A., Lambion, J., Mazzia, C., Capowiez, Y. (2019). The beauties and the bugs: A scenario for designing flower strips adapted to aphid management in melon crops. Biological Control, 136, 103986, 1-10. DOI: 10.1016/j.biocontrol.2019.05.005 HAL INRAE-02619746
  • Schoeny, A., Rimbaud, L., Gognalons, P., Girardot, G., Millot, P., Nozeran, K., Wipf-Scheibel, C., Lecoq, H. (2020) Can winged aphid abundance be a predictor of cucurbit aphid-borne yellows virus epidemics in melon crop? Viruses, 12, 911. DOI:10.3390/v12090911 HAL INRAE-02919776

Date de modification : 03 juillet 2024 | Date de création : 25 avril 2023 | Rédaction : SCHOENY Alexandra