Epidémiologie, écologie, évolution

La conception de stratégies optimales d’épidémio-surveillance et de gestion intégrée de la santé des plantes nécessite une compréhension des interactions entre l’hétérogénéité spatio-temporelle de la matrice environnementale, et les dynamiques démographiques et adaptatives des populations de bioagresseurs. Ces interactions sont multiples et prennent place à travers une large gamme d’échelles spatiales, de la plante à la planète. Les recherches menées concernent divers agents phytopathogènes (bactéries, champignons, virus), des micro-organismes bénéfiques (phages) ainsi que des insectes ravageurs et vecteurs et s’appuient sur les compétences multi-disciplinaires présentes dans l’unité, nos collaborations nationales et internationales et le déploiement d’approches expérimentales et de terrain.

Stratégies optimales d’épidémio-surveillance et de gestion intégrée de la santé des plantes
© Karine BERTHIER/INRAE

Figure inspirée de Fabre et al. dans Lannou C., Roby D., Ravigné V., Hannachi M., Moury B., 2021. L'immunité des plantes. Pour des cultures résistantes aux maladies, éditions Quæ, Versailles, 392 p.

PRINCIPAUX OBJECTIFS

I - Comprendre et prédire la dynamique des populations de bioagresseurs des cultures de l’échelle plante à l’échelle paysage

Identifier la diversité des réservoirs, y compris en-dehors des environnements cultivés

La connaissance des différents habitats (e.g. plantes hôtes sauvages, débris de plantes cultivées, litière, eau, air, sol, surfaces inertes) qui permettent le maintien de populations de bioagresseurs, non seulement dans l’environnement immédiat des parcelles cultivées mais aussi à l’échelle des bassins de production voire au-delà, est un facteur clé pour comprendre les dynamiques épidémiologiques. Ces habitats constituent de possibles sources d’inoculum permettant la (ré)infestation des cultures via les processus de dispersion locale et à longue distance. Ces habitats imposent également différentes pressions de sélection qui influencent les dynamiques évolutives des bioagresseurs et leur potentiel adaptatif. Ainsi, la compréhension du rôle des réservoirs dans les conséquences épidémiologiques peut permettre d’identifier des contextes à risque, pertinents à prendre en compte dans des schémas d’épidémio-surveillance.

Identifier la diversité des réservoirs, y compris en-dehors des environnements cultivés
© Christelle LACROIX/INRAE


Diversité des réservoirs des bioagresseurs, y compris en-dehors des environnements cultivés

 

Inférer les processus de dispersion impliqués dans la colonisation des zones agricoles

L’estimation de la dispersion locale, c’est-à-dire entre les parcelles et entre les cultures et les potentiels habitats réservoirs présents dans le voisinage (e.g. flux avec le couvre-sol, les adventices ou patchs d'hôtes alternatifs dispersés dans la matrice environnementale), repose sur la collecte de données démographiques (e.g. abondance/prévalence) et la production de données moléculaires pour mettre en œuvre des approches de génétique des populations et de modélisation spatiale en épidémiologie et dynamique des populations.

Illustration du plan d’échantillonnage de piments et d’adventices de la parcelle au bassin de production. Fond de carte Corine Land Cover 2018
© Karine BERTHIER/INRAE


Illustration du plan d’échantillonnage de piments et d’adventices de la parcelle au bassin de production. Fond de carte Corine Land Cover 2018

 

 

L’estimation de la dispersion à longue distance, assistée par les masses d'air, les flux hydriques et les échanges commerciaux de marchandises infestées repose sur le calcul de réseaux spatio-temporels de connectivité potentielle, e.g. approche Tropolink (Richard et al. 2023), basée sur le modèle HYSPLIT de reconstruction de trajectoires de masses d’air, pour la dispersion aérienne.

Illustration de voies potentielles de dispersion des bioagresseurs de cultures, à longue distance via les flux hydriques et aériens
© Cindy MORRIS & Christel LEYRONAS/INRAE


Figure : Illustration de voies potentielles de dispersion à longue distance via les flux hydriques (à gauche, bassin de la Durance, Morris et al. 2023) et aériens (à droite, trajectoires de masses d’air arrivant à Avignon pour une période de temps donnée avec en rouge les trajectoires retenues après filtrage par différents critères, e.g. altitude maximum de la masse d’air).

 

Identifier et hiérarchiser les facteurs environnementaux biotiques et abiotiques clés dans l’émergence, la propagation et l'intensité des épidémies

Les diverses conditions biotiques et abiotiques considérées dans nos projets incluent des processus liés à la plante hôte (e.g. génotype, âge, physiologie), la présence de communautés microbiennes (e.g. champignons, bactéries, phages), le statut nutritionnel (e.g. apports en nutriments et eau), les pratiques agricoles, la structure du paysage (e.g. compartiment sauvage), et le climat (e.g. température, précipitation, humidité relative). Ces travaux sont menés en combinant des méthodes d'analyse descriptive des patrons spatiaux ou spatio-temporels (e.g. démographique, épidémiologique et génétique), des méthodes d'apprentissage automatique et des approches de modélisation statistique et mécaniste.

Illustration de la multiplicité des facteurs biotiques et abiotiques pouvant affecter la sévérité des maladies des plantes
© Christelle LACROIX & Marc BARDIN/INRAE

 

Illustration de la multiplicité des facteurs biotiques et abiotiques pouvant affecter la sévérité des maladies des plantes

 

 

Rôle du compartiment sauvage dans les dynamiques épidémiques des bioagresseurs
© Loup RIMBAUD/INRAE


Hypothèses sur le rôle du compartiment sauvage dans les dynamiques épidémiques

 

Le cadre de réflexion développé au sein de ces projets est mis à profit pour caractériser l’impact de facteurs (a)biotiques sur le risque de gel, particulièrement important pour les arbres fruitiers. Des travaux sont ainsi menés sur abricotier pour comprendre l'origine de la formation de glace et distinguer le rôle de facteurs internes (i.e. liés à la plante elle-même) ou externes (i.e. liés aux bactéries glaçogènes) dans ce processus de nucléation.

Interactions impliquées dans le risque de gel des organes chez les arbres fruitiers
© Lia LAMACQUE/INRAE


Illustration des interactions impliquées dans le risque de gel des organes chez les arbres fruitiers

 

 

 

II - Etudier le potentiel adaptatif des bioagresseurs et l’évolution de leur pouvoir pathogène

Elucider les déterminants moléculaires de traits fonctionnels de bactéries phytopathogènes et de leurs phages

Nous exploitons une méthode innovante (Tn-seq) qui combine l’utilisation de banques de mutants d’insertion par transposon et le séquençage haut-débit pour révéler l’ensemble des gènes bactériens essentiels à la croissance dans des conditions contrastées. Ce type d’approche permet d’identifier les déterminants moléculaires clés pour la survie et le maintien du pouvoir pathogène sous différentes pressions de sélection, notamment dans les réservoirs naturels en absence de contact avec des plantes (eau).

Schéma expérimental associé à la confrontation de banques de mutants bactériens générés par la méthode Tn-seq avec différentes pressions de sélection (in vitro, plantes, eau avec ou sans phages)
© Odile BERGE & Clara TORRES BARCELO/INRAE


Illustration du schéma expérimental associé à la confrontation de banques de mutants bactériens générés par la méthode Tn-seq avec différentes pressions de sélection (in vitro, plantes, eau avec ou sans phages)

 

 
 
 
 

Comprendre les mécanismes des sauts d’hôtes

Les processus d’adaptation des bioagresseurs aux résistances variétales, c’est-à-dire à différents génotypes au sein d’une même espèce végétale, sont relativement bien connus. A contrario, la capacité d'adaptation des bioagresseurs à une nouvelle espèce, i.e. les sauts d'hôtes, est bien moins étudiée malgré l'importance reconnue de ces phénomènes dans l’émergence de nouvelles maladies. Nous développons dans l'unité des approches d'évolution expérimentale afin d’élucider les possibilités de saut d’hôtes chez des virus de plantes, les mécanismes moléculaires associés, ainsi que les risques d’adaptations croisées et d’émergence de nouveaux variants liés à ces processus.

Protocole d’évolution expérimentale de l’endive necrotic mosaic virus
© Benoit MOURY & Marion ZADKOWSKI/INRAE

 

Illustration du protocole d’évolution expérimentale de l’endive necrotic mosaic virus

 

 

 

 

Les recherches effectuées dans le cadre de cet axe thématique sont ancrées dans plusieurs grands objectifs scientifiques du département de Santé des plantes et environnement, notamment :

  • GOS-1 [Immunité végétale] : comprendre l’immunité végétale dans toute sa complexité pour réduire la vulnérabilité des cultures face aux bioagresseurs
  • GOS-2 [Régulations biologiques] : comprendre la biologie des organismes pour développer des méthodes de contrôle basées sur des mécanismes naturels
  • GOS-3 [Santé de la plante] : favoriser la santé de la plante par les interactions bénéfiques
  • GOS-4 [Risques] : anticiper et atténuer le risque biologique et les impacts indésirables en santé des cultures